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Parmain et Jouy-le-Comte sous les Conti
Historique abrégé de Parmain-Jouy- le-Comte et de l'Oise sous les Conti par Jean BESOMBES, ancien Maire.
L'histoire de Jouy-le-Comte et de Parmain, ces deux voisines, tantôt distinctes, tantôt englobées dans un même entité administrative, fait parfois songer à celle de jeunes amants séparés ou réunis selon l'humeur ou la volonté de parents autoritaires et égoïstes.
Dans les siècles passés, c'était le roi, ou des seigneurs, au gré de leur politique, ou dire plu crûment, de leur intérêts, que dépendaient ces changements de statuts : tantôt Jouy-le-Comte, rattaché à Champagne, s'insérait dans le bailliage de Beauvais, tandis que Parmain, très modeste hameau, demeurait dans celui de Pontoise, tantôt elles se trouvaient ressoudées. Encore demeurèrent-elles toujours, pendant les trois siècles qui précédèrent la révolution française, la propriété d'une seule famille, celle des Montmorency et des Bourbon-Condé, au début de XVIIe, enfin celle des Bourbon-Conti, au milieu du XVIIe siècle jusqu'à la Révolution.
Pour n'évoquer que l'avatar le plu récent, sous la IIIe République, c'est le 5 janvier 1893 que parut au "Journal Officiel" le décret condamnant à mort -à la mort administrative s'entend!- la commune de Jouy-le-Comte, en conférant ce titre de commune au ci-devant hameau de Parmain.
La loi du novembre avait joué : Jouy, 642 habitants en 1789, à peine plus de 300 un siècle plus tard, sous le règne du Président Sadi Carno; Parmain, hameau insignifiant, jusqu'à la construction au milieu du XIXe siècle du chemin de fer, et plus encore grâce à l'édification, sur son territoire, de la gare, devenant, comme jadis les relais de diligences, centre et point de rencontre des activités humaines, 662 habitants.
Qu'était donc, avant cette petite révolution ferroviaire et économique, qui succédait à la grande, qu'était, avant sa confiscation et son lotissement comme bien national en conséquence des lois de 89, l'immense domaine des Bourbon-Conti ?
Bornons-nous ici à l'examen rapide de la partie de ce domaine qui occupa la rive droite de l'Oise, celle du Parmain d'aujourd'hui. Négligeons le château princier, détruit pierre par pierre pendant ces années dramatiques où la nouvelle société se cherchait un régime politique en conformité avec ses idées égalitaires. Bâti sur la partie nord de l'île du Prieuré, il était relié au "Petit Château" (*), situé sur la rive droite (à l'emplacement de l'hôtel de style pseudo-normand qui abrite notre bureau de poste) grâce à une passerelle en bois joliment appelé "Pont Vert".
En ce "Petit Château" logeaient les intendants, et, souvent, les invités de prince qui n'avaient pu être accueillis, faute de place, au château même.
Le bras nord de l'Oise était franchissable par un pont construit à l'emplacement de celui d'aujourd'hui, mais en pierre et à cinq arches. Le bras de la rivière et le pont s'appelaient déjà "du Moulin", comme aujourd'hui, en raison de l'existence du moulin à grains installé dès l'entrée de l'ouvrage, près de la rive droite. Entrée qui était encombrée et rétrécie non seulement par ce moulin mais par une tour de garde, une salle d'audience et une prison, celle-ci, hélas! n'allant pas sans celle-là.
En amont de ce pont, à partir de la rue Guichard, en direction nord-nord-est, et jusqu'au chemin du Port-de-Jouy, c'est-à-dire du ru qui le borde, un parc de 80 arpents (plus de 40 hectares), jardin à la français dessiné dans le style de Le Nôtre, offrait aux centaines d'invités que la munificence des Conti recevait au château, des perspectives, des paysages agrestes, comparables à ceux des plus beaux châteaux de France, Vaux-le-Vicomte, Villandry, et bien d'autres, sans parler de Versailles.
Ouvrons ici une parenthèse. Du temps du prince Louis-François Joseph de Conti, né en 1717, c'est-à-dire au temps de la Régence, puis de Louis XV, nous pouvons, sans grande crainte d'erreur, conjecturer que des personnages du premier plan, écrivains et musiciens- Jean-Jacques Rousseau, Caron de Beaumarchais et le divin Mozart -comédiens et chanteurs- l'acteur Preville et le ténor Jelylotte, y furent conviés. Le prince, aussi bon écrivain qu'orateur, musicien presque autant qu'enragé chasseur, ne manquait ni d'esprit, ni de caractère, ni d'imagination. On rapport qu'un jour, alors qu'il venait d'affirmer certains faits à Louis XV, la toute-puissante marquise de Pompadour l'interrompit avec quelque insolence : "Vous ne mentez jamais, Monsieur?", le prince répliqua du tac au tac : "Pardon, Madame, quelquefois...aux femmes", et reprit son entretien avec le roi. Outre cela, aussi dépensier qu'il était riche, aussi friand d'oeuvres d'art que de jolies femmes, il mérita tout à la fois les surnoms de Lovelace et de Grand Conti.
Cette parenthèse fermée, revenons au pont du Moulin, mais regardons vers l'aval, vers le sud-ouest. Là s'étalait sur 24 arpents - une douzaine d'hectares - un jardin potager dont les fruits (dans l'acception agricole la plus large du mot) étaient destinés à la table du prince, à celles de ses invités et de ses gens.
Reste-t-il aujourd'hui quelque chose de ce potager, quelque chose de ce parc, de ce jardin à la française dont nous parlions plus haut? Oui, peut-être : Deux noms, l'un que porte une rue de Parmain, celle "du Vieux-Potager", l'autre, d'un vaste lotissement situé ente les rues Raymond-Poincaré et Maréchal Foch, où se sont édifiées, précisément sur une partie des anciens jardins des Bourbon-Conti, des villas dont certaines sont très luxueuses, le lotissement du Parc de Parmain.
Pour ce qui est des activités humaines sur l'Oise, c'est-à-dire de la batellerie, elles avaient des fins analogues aux activités du XXe siècle. l'eau était déjà le mode de transport le plus économique. Mais les moyens étaient beaucoup plus modestes que les nôtres : la seule énergie concevable, jusqu'au siècle dernier, c'était l'énergie musculaire, celle des animaux, ou celle de l'homme.
On halait donc les péniches avec des chevaux. Pour traverser le bourg de l'Isle-Adam, les bateliers devaient acquitter -déjà!- un péage, lequel s'appelait alors "droit de travers". Pour remonter le cours, du sud au nord, les bateliers longeaient la rive gauches, celle de l'Isle- Adam. On passait sous l'une des archers du pont du Cabouillet. Or, surtout en périodes de hautes eaux, le resserrement de ce bras entre les piles et les culées de l'ouvrage augmentait dangereusement la vitesse du courant sous les arches. Il fallait prendre, comme pour sortir d'un port ou d'une passe délicate, un pilote, appelé "compagnon d'arche", qui commandait la manoeuvre : d'abord, lancer sous le pont, puis, quand la proue de l péniche "tait près d'y pénétrer, démarrer la corde tirée par les chevaux, amarrer au moyen d'une barque un autre cordage halé par des hommes surnommés les "tireurs de museau", gratifiés de quelques sols, prenaient haleine en attendant le bateau suivant.
Ainsi au rythme lent des haleurs, la péniche remontait la rivière, longeant la rive gauche, jusqu'à ce qu'elle arrivât légèrement en amont de la rue du Port-de-Jouy.
Comment l'embarcation traversait-elle l'Oise? Sans doute, dans les temps anciens, "en donnant à passer" comme disent les mariniers, c'est-à-dire en combinant l'action du courant sur les flancs de la péniche avec celle des rames, de telle manière que le courant la fît atterrir sur la rive droite. Sans doute, plus tard, au moyen d'une traille, sorte de bac, relié à un câble tendu d'une rive à l'autre , et manoeuvré à la rame.
Quant aux chevaux, avant de pouvoir les faire traverser, eux aussi, sur la traille, il leur tallait redescendre la rive gauche jusqu'aux ponts de l'Isle-Adam, rue Guichard, longer la base du plateau et revenir à l'Oise par la rue du Port-de-Jouy pour reprendre le halage, sur la river droite, cette fois. leur promenade durait longtemps; en aucun cas, les princes n'eussent toléré que des chevaux de trait suant et soufflant traversâssent leur parc... Le temps du travail n'était pas encore minuté, ni la fatigue des hommes et des bêtes mesurée.
Les progrès de la machine ont, en moins d'un siècle, radicalement transformé les techniques de la navigation. El les rives de l'Oise, au grand dam des pêcheurs et des rêveurs. le bras du Cabrouillet, autrefois voie fluviale vers le nord, n'est plus fréquenté, aux beaux jours, que par les amateurs de la rame et du pédalo. Son plan d'eau, du fait de la construction des barrages successifs et des écluses, s'est abaissé de plus d'un mètre. Le courant y a diminué de telle sorte que ses fonds 'emplissent d'alluvions qu'il faut draguer. Péniches automotrices, remorqueurs et pousseur naviguent aujourd'hui dans le bras central, celui du pont de la Croix.
Quant à savoir si cette rivière d'Oise, limite administrative tracée en pointillé dans son thalweg sur nos cartes géographiques entre Parmain et l'Isle-Adam, séparer les deux communes ou contribue à les unir, plaise au lecteur de prendre le temps d'y réfléchir et le soin de conclure.
* Le "Petit Château" a subi le même sort que le grand : il a totalement disparu. Entre son emplacement et le chemin qui devait devenir la rue Guichard, la famille Ducamp dit édifier, au début du siècle dernier, une demeure dont l'architecture, assez heureusement parfois, inspirée par le style du XVIIIe siècle. Les propriétaires, soucieux de leur quiétude, s'empressèrent de la vendre dès que la construction du chemin de fer fut entreprise. C'est aujourd'hui la Mairie de Parmain.
Infos pratiques
N.B. : Je tiens à remercier ici M. Robert Fort, savant historien et fils de l'historien et peintre de la région, pour les renseignements qu'il m'a très obligeamment dispensés. C'est grâce à eux, grâce à lui, que j'ai pu écrire cet article.
Jean Besombes